vendredi 8 mai 2009

mon amour à moi



pour ron walker, le dernier homme de ma vie

mon homme, je le déteste quand
nous parlons de la mort
je ne veux pas aller par là
penser à notre départ parce que
ma vie ne vaudrait rien sans la vôtre
qui a compris des belles choses,
trop à énumérer, sans parler
du visage que j'aimais tant
et vos boites pleines débordantes
de toutes vos créations qui me parlent:

les articles que tu coupais chaque jour
du journal sur les transports et les ponts
les ports et l'Astoria que tu adorais
avec ses bateaux de pêche roulants sur
la grande fleuve columbia et puis calme
sans aucun mouvement, des mouettes criants
en sillonant dans le ciel gris-noir foncé
mais tu n'étais jamais triste quand il pleuvais
même à Paris quand nous voyagions
à la mauvaise saison

tes disques durs pleins de jouets à acheter
tu étais toujours enthousiaste pour la jeunesse
tes avions de bois que tu as donnés au petit fils
mais tu as gardé tous les trains et leurs rails
pour le petit village que tu ne rêvais que de construire
et les voitures anciennes, vielles dames américaines
et les deux-chevaux citroën, les deuch que tu aimais
dans l'époque à Paris avec la sombre petite amie
ton premier amour dans les années soixante-dix
et à Barcelone tu es tombé amoureux d'Europe
mais tu perdais ta jeunesse en face la traître de
ton propre cœur car tu as choisit une autre femme
puis regrettais ton choix mais trop tard, mon vieux
tu as appris un tas de choses dans cette aventure
et avec moi tu as pu retrouver ta jeunesse
et ces trains qui s'en sont allés
et ces trains qui reviennent

tant de cartes-mémoire pleins de musique
dont je ne sais absolument pas comment écouter ou
sur quelle machine de ton techno génie
car tu suivais chaque innovation comme si c'était
la première fois sur ton premier instrument
mais je pourrais entendre toutes tes chansons
si je fermais les yeux en silence
le silence que tu cherchais toujours
mais qui t'échappait à cause de l'acouphène
comme tu souffrais de cela, en voyant
tous tes jolis sons deviennent des fracas!
mais tu n'arrêtais jamais de composer et
peut-être c'était ça qui t'a sauvé à la fin

j'ai joué de ta musique un jour dans
les corridors du congrès dans la capitale
beaucoup de gens m'approchaient, demandant
"quelle est cette belle musique?"
et j'ai parlé de toi et de ton talent pendant
des heures et il y a une joie dans
cet immeuble orné de l'or sans que
personne ne comprennent de quoi qu'il s'agit
c'étais de toi, mon amour, et je me suis demandé
pourquoi tu n'es jamais devenu célèbre
puisque, oui, il y avait un temps où tu avait été
mais que tu l'évitais après ce temps car
tu n'aimais ni l'ego ni le jazz comme ça

et puis tes photos prises
à toutes les saisons, tu as eu d'elles
des extases et des blessures sans limites
que la vie te donnait en essayant de
comprendre chaque facette, chaque geste
et tes vidéos et pellicules en 16mm
des diapos, de carton en carton
de toutes les jeunes années
et de toutes tes petites jolies femmes
toi si beau et si mince comme tu étais
le jour ensoleillé de l'été où
j'ai fait ta connaissance, presque sage
presque garçon, avec ta grosse moustache
que tu as coupé car elle pinçais mes lèvres

tu étais toujours gentil et patient
avec moi la rock star qui
ne pouvait pas m'arêter de parler
ou de pleurer ma mauvaise chance
mais tu m'as dit, "mais si, c'est vrai"
et tu m'as emmenée vers la guérison, toi
et tes fortes bras qui me tenaient quand
j'étais trop brisée pour me soutenir
tu me berçais dans la nuit
quand mes larmes coulaient d'acide
jusqu'à ce qu'elles se gêlent enfin
et que je m'arrête de pleurer
sauf qu'un autre pleure

tu m'as appris à écouter, et tes léçons
ont fait de moi ce que je n'avais jamais espéré
je pouvait croire dans la constance des étoiles
je dirais plus tard à quelqu'un, "tu peux savoir
que demain est un autre jour, et que chaque pas
que tu fait pour comprendre le soi
te fait grandir plus que tu le saches
et l'amour va venir juste pour toi, c'est sûr

après que vous serez parti,
je ne verrai qu'une montagne de ton oeuvre
au sommet de laquelle je me serais assise
et je crois que je ne bougerai plus
car bouger s'annonce quelque chose de vivant
et après que vous serez parti, il n'y aura plus de ça
il n'y aura qu'un énorme bouché funéraire
et moi à l'intérieur: mais non
il n'y aura pas de feu non plus
car il me faudra vous livrer au monde
qui en aura, comme moi auparavant, tant de besoin
et vos boites pleines de jolies choses
trop à énumerer, pour comprendre
quelque chose qui ne mourira pas

1 commentaire:

Anonyme a dit…

I love this Laura. I started reading it in your lovely "Francaise" but had to go on to your translation. Liz