elle doit déranger
tout le monde
elle le doit
doit demander à
chacun qui monte sur
l'autobus car
elle est vulnerable
elle n'est pas d'ici
vieille dame avec
des vieux vêtements
les vêtements de tous les jours
ses pantalons une fois blancs
qui s'arrêtent aux genous
jaunis avec le temps
avec la poussière de la vie
son petit chemisier de rose
on dirait t-shirt
coupé un peu trop court
et son sac noir et rouge
qu'elle ouvre et rouvre
pour chercher quelque chose
des papiers, son billet
peut-être une carte pliée
je ne sais rien
mais elle presse sa vieille main
sur mon bra
"Dites-moi, c'est quelle rue?"
mais je ne sait pas
je suis étrangère comme elle
et avec leurs détours deregarde, je pense que les autres
ne sont pas d'ici non plus
l'autobus continue à
couler sur les rues urbaines
quelquefois sur les pavés
vite entre les arrêts
les arrêts qu'on ne connaît pas
et avec chaque coup de frein
je me sens encore pire
nausée et faible et trop habillée
la vieille dame arrête le
prochain voyageur qui monte
"est-ce Les Deux Frères?"
elle demande mais
on ne sais rien, on l'ignore
l'homme evidamment gené
il ne veut pas de
cette vieille dame
folle dans sa misère
qui a la voix à la hauteur
qui cherche les rues
aux yeux plissés
peut-être un peu aveugle
je ne sais pas
peut-être juste fatiguée
se tait, sécouant la tête
puis recommence sa chasse
coincée contre une jeune
femme qui vient d'entrer
la peau brune, la tête couverte
qui ne parle pas bien français
elle est comme la folle
mais pas perdue
elle connaît bien la route
et elle peut parler arabe
avec la vieille dame
mais la vieille n'écoute plus
elle doit continuer à déranger
tout le monde qui a monté
et elle demande à une autre
"Les Deux Frères?"
moi je ne veux pas être
aussi perdue que cette dame
mais je pourrais hausser mes épaules
je pourrais appeler un taxi
si c'était nécessaire
l'autobus continue à rouler
sans jamais qu'elle ne sache
où nous allons
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